Le(s) Patois du Nord : de l’oral à l’écrit grâce aux chansons populaires

Avant le début du XIXe siècle, les musiques écrites sont essentiellement celles des célébrations religieuses et les chants consacrés aux cérémonies religieuses sont quasiment les seuls écrits.

Recueil de chansons et vers sur différents sujets, manuscrit du XVIIIe siècle, 1M25. Notez l’absence de partition, les seules indications de mélodie se résumant à « sur l’air de … ».

Les chanteurs des rues étaient pourtant déjà là, mais les paroles de leurs chansons ainsi que cette langue, leur patois, s’envolent comme ces « feuilles de Carnaval » sur lesquelles elles sont imprimées. Vendus pour quelques centimes dans les cabarets ou dans la rue, exclusivement lors des festivités sous peine d’amendes, peu de ces documents, de mauvaise qualité, ont été conservés.

Feuillet d’une chanson de Carnaval sur un air bien connu en 1851 mais un peu oublié aujourd’hui ©Gallica.

Feuille de chanson L’impôt sur les capiaux, interprétée par la société des Amis-réunis ©Gallica

C’est à partir de la révolution industrielle et du Second Empire, avec la prolifération des Estaminets, des Cabarets ainsi que des « Sociétés » de chanteurs, que ces chansons populaires trouvent leur pérennité par l’écrit. Il y avait en 1874 environ 1500 de ces établissements à Lille, et à Tourcoing 1 estaminet pour 50 habitants.

Courbet G., vignette pour le chapitre sur la brasserie Andler-Keller, dans Delvau A., Histoire anecdotique des cafés et cabarets de Paris, E. Dentu, Paris, 1862  ©Gallica

Agence Rol, « 23-11-13, Lens, grèves du Nord [une rue d’un coron], 1913 ©Gallica

Estaminet de Tourcoing, fin XIXe siècle, Coll. C.H.L. ©Centre d’Histoire Local de Tourcoing
Estaminet de Tourcoing, fin XIXe siècle, Coll. C.H.L. ©Centre d’Histoire Local de Tourcoing

 La publication de livrets et de recueils de chansons, permet en effet à une langue patoisante et populaire, le Ch’ti, jusqu’alors uniquement orale, de perdurer et de s’enrichir en se fixant sur le papier.

En 1851, Desrousseaux débute la publication de ses Chansons et pasquilles lilloises par une Petite notice sur l’orthographe du patois de Lille (ici reprise dans l’édition de 1938), cote HR12 0330-1.
En 1851, Desrousseaux débute la publication de ses Chansons et pasquilles lilloises par une Petite notice sur l’orthographe du patois de Lille (ici reprise dans l’édition de 1938), cote HR12 0330-1.

Petite notice sur l’orthographe du patois de Lille, cote HR12 0330-1

Les premières publications de ces chansons entraînent une prise de conscience de ce patrimoine. Dès 1856, Edmond de Coussemaker publie Chants populaires des Flamands de France, dans lequel cohabitent flamand et traduction française, chants religieux et chants profanes. Les chants sont accompagnés de commentaires explicatifs, dans une démarche de patrimonialisation.